Traité conclu, à Paris, le 2 février 1861, entre la France et le Prince de Monaco

portant la cession à la France des communes de Menton et de Roquebrune.

Les anciennes bornes frontières dans les Alpes-Maritimes

    Les négociations qui avaient été entamées entre Sa Majesté le Roi de Sardaigne et Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, par les bons offices du gouvernement de Sa Majesté l'Empereur des Français et avec l'assentiment des autres puissances, en vue de mettre un terme à la situation anormale dans laquelle étaient placées, depuis 1848, les communes de Menton et de Roquebrune, se trouvant sans objet et comme non avenues par suite de la réunion du comté de Nice à la France,

    Sa majesté l'Empereur des Français et son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, animés du désir de voir cesser un état de choses aussi irrégulier que contraire aux intérêts des populations, ont décidé de conclure un traité, à cet effet, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :

    Sa majesté l'Empereur des Français, M Prosper Faugère, sous-directeur des affaires politiques au département des affaires étrangères, officier de l'ordre impérial de la Légion d'honneur, décoré de l'ordre de Saint-Marin, commandeur des ordres de Saint-Grégoire-le-Grand, du Lion-de-Zaehringen de Bade, du Danebrog, de Saint-Olaf de Suède, des Saints Maurice et Lazare de Sardaigne, et du Nichan-Iftikbar de Turquie, grand officier de l'ordre du Lion et du Soleil de Perse, etc., etc., etc.;

    Et Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, M. le comte Serge-Henry d'Avigdor, grand' croix de l'ordre équestre de Saint-Marin , officier de l'ordre impérial de la Légion d'honneur, grand officier de l'ordre du Sauveur de Grèce et de l'ordre du Lion et du Soleil de Perse, commandeur de l'ordre de François Ier des Deux-Siciles, de l'ordre de Saint-Louis de Parme et de l'ordre de Saint-Charles de Monaco, officier de l'ordre royal des Saints Maurice et Lazare de Sardaigne, décoré de la médaille du Mérite de Saint-Marin,etc., etc., etc.;

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des stipulations suivantes.

   Art. 1er. Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco renonce à perpétuité, tant pour lui que pour ses successeurs, en faveur de Sa Majesté l'Empereur des Français, à tous ses droits directs ou indirects sur les communes de Menton et de Roquebrune, quelles que soient l'origine et la nature de ses droits, sauf la réserve mentionnée dans l'article 3 ci-dessous.

    La ligne de démarcation entre le territoire de l'Empire français et celui de la Principauté de Monaco sera tracée, le plus tôt possible, par une commission mixte, en conséquence de la disposition qui précède.

    Art. 2. La renonciation consentie en l'article précédent est faite à  Sa majesté l'Empereur des Français moyennant une somme de quatre millions, qui sera payée à Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, en numéraire, dans les quinze jours qui suivront l'échange des ratificatins du présent Traité.

    Art. 3. Les propriétés particulières appartenant à Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco dans les communes de Menton et de Roqubrune, dont le Prince a été dépossédé en 1848, et dont la désignation sera fournie par Son Altesse Sérénissime, ne sont pas comprises dans la renonciation mentionnée en l'article 1er ci-dessus.

    Une commission mixte sera chargée d'examiner et d'indiquer les mesures qu'il conviendra de prendre pour assurer au Prince les bénéfices de cette réserve, sans préjudice pour les droits que des tiers auraient à faire valoir. Il est entendu que la compétence de cette comission n'est nullement exclusive de celle des tribunaux, s'il était nécessaire d'y recourir.

     Art. 4. Sa Majesté l'Empereur des Français s'engage à accorder des pensions de réforme ou de retraite aux anciens fonctionnaires ou employés au service du Prince de Monaco dans les communes de Menton et de Roquebrune, et qui seront désignées par Son Altesse Sérénissime, jusqu'à concurrence d'une somme totale annuelle de quatre mille francs. Ces pensions s'éteindront par le décès des titulaires.

    Art. 5. Sa Majesté l'Empereur des Français s'engage à entretenir en bon état et à ses frais, en l'élargissant et la rectifiant sur les points qui seront covenus entre les administrations respectives, dans son parcours sur le territoire de Roquebrune, la route déjà construite qui, partant de celle de Nice à Gênes, dite de La Corniche, aboutit à la ville de Monaco.

    Le Prince de Monaco s'oblige à laisser construire et fonctionner sur le territoire de la Principauté, moyennant entente préalable entre les administrations respectives en ce qui concerne les détails d'exécution, sans que le Prince soit tenu à aucune subvention ni garantie d'intérêt, la partie du chemin de fer qui serait construit de Nice à Gênes et traverserait ledit territoire. De son côté, Sa Majesté l'Empereur des Français s'engage à établir, dans un délai prochain, une route carrossable de Nice à Monaco par le littoral; il est entendu que chacun des deux gouvernements supportera la dépense de la portion de cette route afférente à son territoire.

    Art. 6. Une union de douanes sera effectuée entre l'Empire français et la Principauté de Monaco.

    Les conditions de cette union seront réglées par un acte spécial, de même que ce qui concerne la vente des poudres et des tabacs, le service des postes et des lignes télégraphiques, et, en général, les relations de voisinage entre les deux pays.

   Art. 7. Les sujets de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, originaires de Menton et de Roquebrune ou actuellement domiciliés dans ces communes, qui entendront conserver la nationalité de Monaco, jouiront, pendant un an, à partir de l'échange des ratifications du présent Traité, et moyennant une déclaration faite à l'autorité compétente, de la faculté de transporter leur domicile dans la Principauté et de s'y fixer, en ce cas, leur ancienne nationalité sera maintenue.

    Ils seront libres de conserver leurs immeubles situés sur le territoire de Menton et de Roquebrune.

    Art. 8. Les habitants de ces deux communes, actuellement au service du Prince de Monaco, pourront continuer d'y rester sans perdre leur qualité de sujets français, à la seule condition de déclarer leur intention à cet égard à l'agent consulaire de Sa Majesté Impériale à Monaco, dans le délai de trois mois, à compter de la ratification du présent Traité.

    Art. 9. Le présent Traité sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Paris, dans le délai de dix jours.

    En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont apposé le sceau de leurs armes.

    Fait en double expédition, à Paris, le deux février de l'an de grâce mil huit cent soixante et un.

(L.S.) Signé : P. Faugère.

(L.S.) Signé : S. Hy. d' Avigdor.