Convention et article secret entre S.M.le Roi de France (Louis XV) et S.M. Victor Amédée II
Roi de Sicile sur l'exécution de l'article IV du Traité D'Utrecht.
Signé à Paris le 4 avril 1718.

(Cessions réciproques d'Entraunes et de Saint-Martin-d'Entraunes à la France,
contre le Mas au Royaume de Sicile /Etats de Savoie)
(Cession de Clavière à la Sicile ; et de Montgenèvre à la France)

Les anciennes bornes frontières dans les Alpes-Maritimes

    Comme par le Traité de Paix signé à Utrecht le 11 avril 1713 entre le feu Roi Très-Chrétien, et Son Altesse Royale de Savoie à présent Roi de Sicile, il a été convenu entre autres choses des cessions respectives portées par l'article 4, et que les commissaires ci-devant nommés de l'une et de l'autre part pour fixer les limites entre la France, le Piémont, et le Comté de Nice, et tout ce qui regarde l'exécution des dites cessions réciproques, conformément à l'article 4 du Traité d'Utrecht, n'ont pas pû conclure sur quelques points qui sont demeurés jusqu'à présent indécis, les commissaires du Roi de Sicile soutiennent que selon le sens littéral du dit article, le village hameau des Clavières étoit compris dans les lieux par le feu Roi Très-Chrétien, comme situé aux eaux pendantes du côté du Piémont, et même que quelque petite partie du village de Genèvre étoit aussi compris dans la cession faite au Roi de Sicile, comme située au milieu de la plaine qui est au dessous du Mont-Genèvre, qu'ils prétendoient devoir être partagé suivant les termes du dit Traité ; et les commissaires du Roi Très-Chrétien prétendant au contraire, que le village ou hameau des Clavières n'étoit point compris dans la dite cession, et que les villages d'Antraunas et de Saint Martin, que les commissaires du Roi de Sicile prétendoient faire partie du Comté de Nice étoient compris dans la cession qui a été faite par le Roi de Sicile de la vallée de Barcelonnette, et de ses dépendances, et le Sérénissime et Très-Puissant ... Louis XV Roi Très-Chrétien de France et de Navarre et le Sérénissime et Très-Puissant Prince Victor Roi de Sicile, de Jérusalem, de Cypre etc., vont concourrir chacun de leur part à tout ce qui fera marquer le désir qu'ils ont d'affermir la bonne intelligence, et d'entretenir l'union étroite que les liens de sang leur inspirent, et terminer à l'amiable les différends, ils ont donné à cet effet leurs pleins pouvoirs respectifs, sçavoir Sa Majesté Très-Chrétienne au Marquis D'Huxelles Maréchal de France, Chevalier ..ses Ordres, Gouverneur de la Haute et Basse A... de Strasbourg, de Châlons sur Saone, son Lieut... au Gouvernement de Bourgogne, et Président du Conseil des affaires étrangers, et au Sieur de Clermont C... de Chiverny, Marquis de Monglat, Baron de S... de Rupz, et de Delaye, Grand Bailly de Dole, Gouverneur de Monsieur le Duc de Chartres, et Sa Majesté Sicilienne au Sieur Marquis de Bellegarde d'Antremont Conseiller d'Etat, Premier Président de la Chambre des Comptes de Savoie, son Ambassadeur auprès du Roi Très-Chrétien, et au Sieur Joseph de Provana Comte de Pralong Chevalier Grand Croix, et Conservateur des Ordres de Saint Maurice et de Saint Lazare, Gentilhomme de la Chambre, et Premier Secrétaire des Guerres du Roi de Sicile, les quels après ...re communiqué respectivement leurs dits pleins pouvoirs sont convenus des articles qui suivent.

    I. Sa Majesté Très-Chrétienne, et Sa Majesté Sicilienne sont convenues que le village ou hameau de Clavières est compris dans ce qui en conformité au susdit article 4 du Traité d'Utrecht, a été cédé à sa Majesté Sicilienne, de même que la moitié de la ...ine qui est au dessus du Mont-Genèvre, à prendre la dite moitié à une égale distance du dit lieu des Clavières, et du village de Genèvre, celles du côté du village de Genèvre, restant au Roi Très-Chrétien, celle du côté des Clavières au Roi de Sicile.

    II. Sa Majesté Très-Chrétienne déclare, et reconnoit que les villages d'Antraunas et de Saint Martin n'ont point été compris dans la cession faite par Sa Majesté Sicilienne dans le susdit article 4 du Traité d'Utrecht, de la Vallée de Barcellonette, et de ses dépendances, et que les dits villages d'Antraunas, et de Saint Martin avec leurs dépendances, doivent demeurer à Sa dite Majesté Sicilienne.

    III. Sa Majesté Sicilienne de son côté, céde et transporte irrévocablement, et à toujours à Sa Majesté Très-Chrétienne le village du Mas qui est à l'extrémité du Comté de Nice vers la Provence, et ses dépendances, pour être tenus à l'avenir, et possédés par Sa Majesté Très-Chrétienne, ses Héritiers et Successeurs en toute propriété et Souveraineté, et avec les mêmes clauses portées par le dit article 4 du Traité d'Utrecht à l'égard des lieux respectivement cédés par lui.

    IV. Et comme à cause des susdites difficultés, les limites n'ont point encore été marquées, Sa Majesté Très-Chrétienne, et Sa Majesté Sicilienne nommeront respectivement dans l'espace de deux mois du jour de la signature du présent Traité des Commissaires pour se transporter sur les lieux, convenir des limites entre le Royaume de France, le Piémont, et le Comté de Nice, et y faire planter des bornes en conformité du susdit article 4 du Traité de Paix d'Utrecht, et de la présente convention.

    V. Le présent Traité sera approuvé, et ratifié par Sa Majesté Très-Chrétienne, et par Sa Majesté Sicilienne, et les lettres de ratification en seront échangées, et délivrées respectivement dans le terme d'un mois, ou plutôt si faire se peut, à compter de ce jour.

    En foi de quoi Nous en vertu des pleins pouvoirs respectifs de Sa Majesté Très-Chrétienne, et de Sa Majesté Sicilienne, avons signé ces présentes de nos seigns ordinaires, et à icelles fait apposer les cachets de nos armes.

    A Paris le quatrième avril mil sept cent dix huit.

Huxelles.              De Bellegarde d'Antremont

L.De Clermont De Cheverny.      Joseph Provana.

 

Article secret.

    Ensuite du Traité que Nous Ministres sousignés de Sa Majesté Très-Chrétienne et de Sa Majesté Sicilienne, avons signé ce-jourd'hui en vertu de nos pleins pouvoirs respectifs, il a été convenu par le présent article secret que le Roi de Sicile, ses Héritiers et Successeurs, ne pourront en aucun temps ni sous aucun prétexte que ce soit, faire des fortifications aux villages des Clavières, d'Antraunas, et de Saint Martin ni dans leurs dépendances, et que respectivement le Roi Très-Chrétien et ses Héritiers, et  Successeurs ne pourront aussi en aucun temps, ni sous quelque prétexte que ce soit, faire des fortifications aux villages de Mont Genèvre, et du Mas, ni dans leurs dépendances, le présent article aura la même force en vertu que s'il étoit inséré dans le dit Traité, il sera approuvé et ratifié par leurs Majestés Très-Chrétienne, et Sicilienne, et les lettres de ratification en seront échangées et délivrées respectivement dans le terme d'un mois, ou plutôt si faire se peut.

      A Paris le quatrième avril mil sept cent dix huit.

Huxelles.              De Bellegarde d'Antremont

L.De Clermont De Cheverny.      Joseph Provana.

    Ratifié par le Roi de France (Louis XV) le 20 Avril 1718.