Bornes frontières de la Flamengrie (Nord)

Un texte de Francois Taquet

Professeur de Droit Social

Une histoire de frontières...

 

    Si les pierres pouvaient parler… ce rêve fou devient presque réalité à La Flamengrie, village aux multiples bornes frontières… Suivez le guide…

 

    La Flamengrie, petit village de 300 habitants, situé à six kilomètres à vol d’oiseau à l’ouest de Bavay, à la frontière belge, sait surprendre celui qui s’y attarde.

    A l’heure de l’Europe, faire le circuit des bornes frontières, proposé  par le conseil général du Nord, peut apparaître futile. Et pourtant, comment ne pas voir que ces pierres sont les témoins  d’un passé récent ?

Une frontière commune avec l’Autriche

    En 1678, le petit village de la Flamengrie est rattaché à la France par le traité de Nimègue. Trente sept ans plus tard est signée la paix Utrecht qui met fin à la guerre de succession d’Espagne commencée en 1701 et qui donne à la France une partie de la Flandre. Toutefois, dans ce partage, la France hérite d’un nouveau voisin encombrant au Nord, l’Autriche, sous l’autorité de l’Empereur germanique Charles VI.

    Le sort de la Flamengrie est désormais scellé. Le petit village d’alors 170 habitants, va devenir une ville frontière, lieu de confrontations entre la France et l’Autriche. Et les sujets de discorde ne manquent pas. A commencer par le tracé de la frontière elle-même qui, à dire vrai,  pouvait paraître pour le moins extravagant. Conçu par les militaires, il faisait bien souvent fi du bon sens. Ainsi, certaines terres autrichiennes étaient enclavées en territoire français. On se doute qu’une telle situation ne pouvait que favoriser la contrebande. En 1779, la raison l’emporte. Le village voit arriver une armée d’arpenteurs afin de simplifier le tracé de la frontière. Les deux pays pratiquent la politique du troc : un pré ou un jardin contre un bois…  Enfin en 1781, tout est réglé : 65 bornes sculptées d’un côté de fleurs de lys, emblème de la France et de l’autre côté, de l’aigle bicéphale, emblème de l’Empire des Hasbourg, séparent désormais les deux territoires.

 Sur un côté des bornes apparaît l'aigle bicéphale avec la mention Autriche

 

 Sur l'autre côté apparaissent les fleurs de lys

 

    Les archives nous apprennent qu’à la fin du XVIII° siècle, La Flamengrie compte 56 maisons, 53 chevaux, 72 bêtes à cornes. La tranquillité relative dont profite le village lui permet même d’augmenter sa population. Cependant le chant des révolutionnaires met fin à tout espoir de paix durable. Le curé doit quitter le village, les terres du clergé sont confisquées, les fleurs de lys, symbole de la royauté sont effacées de quelques bornes… 

Les  désastres de la guerre

    A partir de 1789, le nord de la France redevient un champ de bataille opposant la France et l’Autriche. Le village vit au rythme des pillages, des réquisitions, des cantonnements… bref, des malheurs de la guerre. Il connaît même l’occupation prussienne puis russe après la défaite de Waterloo en 1815. Le voisin de la Flamengrie va désormais changer : ce sont les Pays-Bas, mais  avec des frontières à peu près équivalentes avec celles qui existaient avec l’Autriche. 

    Enfin, le 25 août 1830, les Belges se révoltent contre les Néerlandais et proclament l’indépendance de leur pays. Désormais la Flamengrie aura son sort lié à celui de la Belgique 

    Aujourd’hui, après bien des bouleversements, la Flamengrie est redevenu un village paisible, qui paraît enclavé en territoire belge où le promeneur est toujours étonné de passer aussi aisément de la France à la Belgique. Quant à la frontière, elle est revenue à son tracé de 1781… comme si finalement deux siècles d’histoire n’avaient eu que peu d’incidences  sur les limites de la commune. 

    Au hasard d’une randonnée, le promeneur curieux aura son regard attiré par une vingtaine de bornes frontières parfois en bon état, parfois abîmées par l’homme ou par le temps, mais toujours témoins immuables d’une histoire riche en événements. Ces bornes ont toujours leur raison d’être… Si ce n’est que les inscriptions appartiennent au passé. L’Autriche a été substituée par la Belgique. Quand aux fleurs de lys, elles ne sont plus depuis bien longtemps le symbole de la France. Un rappel qui se doit d’être mentionné s’agissant d’un village qui, le 19 août 1888, a voté dans un bel élan unanime pour la République, ce qui lui a valu de se faire  offrir un an plus tard une Marianne républicaine sur pied…

 

Un rappel de l'Autriche au coeur du village